La volonté d’Arnaud Montebourg de « s’attaquer » aux professions réglementées, comme le préconise le rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF) concerne notamment les pharmacies d’officine et leur monopole sur la dispensation des médicaments d’automédication.
L’ouverture du monopole pharmaceutique et la possibilité pour les grandes et moyennes surfaces (GMS) de vendre des médicaments d’automédication risque, toutefois, d’avoir des conséquences désastreuses pour les patients français et leur pouvoir d’achat.
La première conséquence de l’ouverture du monopole sera l’accélération du nombre de fermetures d’officines (actuellement une officine ferme tous les trois jours) essentiellement dans les zones faiblement peuplées, là où la pharmacie reste le seul espace de santé accessible après le départ des médecins. Les patients seront obligés de faire plusieurs kilomètres (en voiture) pour se rendre en GMS alors que le maillage officinal actuel leur fournit des officines de proximité pouvant les accueillir 7j/7, 24h/24. Le pharmacien endosse un véritable « rôle social » notamment vis-à-vis des personnes âgées et dépendantes, au-delà de son activité de conseil et de dispensation de médicaments.
La pharmacie d’officine représente 35 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 125 000 emplois. Plus de 6 000 emplois seraient menacés par la remise en cause du monopole et viendraient gonfler les chiffres du chômage dont le taux atteint déjà 8% en officine aujourd’hui.
Par ailleurs, la baisse des prix espérée par le Ministre de l’économie risque de ne pas avoir lieu. La concurrence existe déjà entre les pharmacies, comme l’ont souligné plusieurs enquêtes réalisées par l’UFC Que choisir qui révélaient des écarts de prix importants sur les produits d’automédication. Les prix des médicaments en France sont déjà parmi les plus bas d’Europe et tendent encore à diminuer, alors qu’ils ont subi plusieurs hausses de TVA successives (5,5%, 7% et 10%). Malgré cela, le prix des médicaments à prescription facultative évolue moins vite que les indices des prix à la consommation. Entre 1990 et 2011, l’indice du coût de la vie a augmenté de 43,5% tandis que celui des médicaments (remboursables et non remboursables) diminuait de 15,4% Les pharmaciens d’officine ont absorbé les hausses de prix des laboratoires fabricants ainsi que les hausses de TVA sans les répercuter sur les patients. En sera –t-il de même de la part de la grande distribution ?
La vente des produits d’automédication peut également entraîner des risques pour la santé des patients. En effet, la traçabilité et la qualité des médicaments en pharmacie est assurée par un circuit organisé des produits depuis le laboratoire fabricant jusqu’à la délivrance au comptoir. Seul moyen d’éviter les contrefaçons. La vente en GMS remet en cause tout ce circuit sécurisé. Les exemples récents ont montré le peu de fiabilité de la GMS pour proposer des produits de qualité et non contrefaits à leurs consommateurs.
Par ailleurs, la pharmacie a développé des programmes de qualité et de certification des officines qui leur permettent d’assurer la plus grande sécurité pour leur patient et démontrent l’engagement profond des pharmaciens. Le Dossier pharmaceutique (DP), permet d’éviter des interactions et améliore les conseils du pharmacien pour un bon usage des médicaments. On voit mal comment les produits d’automédication qui doivent, au moment de leur délivrance, figurer dans ce DP pourraient être dispensés par des grandes surfaces qui n’auront pas accès à ce DP et de ce fait, ne sauront rien des éventuels risques iatrogéniques.
L’exemple récent des tests de grossesse distribués en GMS prouve qu’il n’y a pas d’intérêt pour les patients d’ouvrir le monopole sur les produits d’automédication. Six mois après la sortie du monopole, les tests de grossesse sont désormais vendus plus chers en GMS qu’en pharmacies, le conseil et la confidentialité en moins. « Le test de grossesse à 1 euro chez Leclerc » n’aura donc été qu’un effet d’annonce et laisse à penser que ce sera la même chose pour les produits d’automédication….
Non seulement la distribution des médicaments en grande surface n’augmente pas la pouvoir d’achat des français à long terme, mais elle pose des problèmes de sécurité, de traçabilité et de santé publique (tout comme l’avait révélé l’épisode de la vente des lasagnes à base de viande de cheval).
Est-ce la volonté du Ministère de l’économie et des finances que de favoriser la GMS au détriment des PME ? L’incapacité à gérer les finances de notre pays n’a trouvé comme exécutoire que la mise en pâture de notre profession. Après toutes les baisses tarifaires, les plans successifs sur le médicament, les modifications de rémunération, l’UNPF s’interroge sur la fiabilité et la pérennité des relations avec nos autorités de tutelle.